Développer un passé riche et détaillé
Pour créer des personnages complexes et crédibles, il est essentiel de leur donner un passé riche et détaillé. Les scénaristes doivent imaginer l’histoire personnelle de chaque protagoniste bien avant le début de la série. Quels événements marquants ont façonné leur personnalité ? Quels sont leurs traumatismes d’enfance ? Quelles relations familiales ont influencé leur développement ?
En élaborant une biographie complète pour chaque personnage principal, les auteurs peuvent puiser dans ce matériau pour nourrir leurs arcs narratifs tout au long de la série. Cela permet de révéler progressivement des aspects inattendus de leur personnalité et d’expliquer certains de leurs comportements. Les flashbacks sont souvent utilisés pour dévoiler des éléments clés du passé des personnages au fil des épisodes.
Une étude publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology a montré que les expériences de l’enfance ont un impact durable sur la personnalité à l’âge adulte. Les scénaristes peuvent s’appuyer sur ces connaissances en psychologie pour créer des personnages aux motivations profondes et cohérentes.
Donner des objectifs contradictoires
Les personnages les plus fascinants sont souvent tiraillés entre des désirs contradictoires. D’un côté, ils poursuivent un objectif noble qui les rend sympathiques aux yeux du public. De l’autre, ils ont des pulsions ou des ambitions plus sombres qui les poussent à agir de manière moralement ambiguë. Ce conflit interne crée une tension dramatique captivante.
Par exemple, dans Breaking Bad, Walter White veut initialement gagner de l’argent pour sa famille avant de mourir d’un cancer. Mais sa fierté et son ego le poussent progressivement à devenir un baron de la drogue impitoyable. Ces motivations contradictoires rendent le personnage fascinant à suivre épisode après épisode.
Comme l’a dit le scénariste Aaron Sorkin :
« Le conflit est l’essence du drame. Chaque scène devrait être un argument. »
En donnant aux personnages des objectifs qui s’opposent, on crée naturellement du conflit et de la complexité.
Exploiter les failles et les contradictions
Les personnages parfaits sont ennuyeux. Pour être captivants, ils doivent avoir des failles, des contradictions et des zones d’ombre. Un héros peut être courageux face au danger mais lâche dans sa vie sentimentale. Un méchant peut être cruel envers ses ennemis mais tendre avec sa famille.
Ces contradictions rendent les personnages plus humains et réalistes. Elles créent aussi des opportunités narratives intéressantes lorsque leurs faiblesses sont mises à l’épreuve. Par exemple, dans Game of Thrones, l’honneur de Ned Stark le conduit à sa perte dans un monde politique impitoyable.
Une étude de l’Université de Toronto a montré que les gens sont naturellement attirés par les personnages imparfaits car ils peuvent s’identifier à leurs défauts. Les scénaristes peuvent exploiter ce phénomène pour créer un lien émotionnel fort entre le public et les protagonistes.
Créer des relations complexes entre les personnages
Les interactions entre les personnages sont un terreau fertile pour développer leur complexité. En créant des relations ambivalentes faites d’amour et de haine, de loyauté et de trahison, on enrichit considérablement la psychologie des protagonistes. Comment réagissent-ils face à ceux qu’ils aiment ? Comment se comportent-ils avec leurs ennemis ?
Les triangles amoureux, les rivalités fraternelles ou les amitiés toxiques sont autant de ressorts dramatiques qui permettent d’explorer la complexité des relations humaines. Dans The Sopranos, la relation tumultueuse entre Tony et sa mère narcissique est au cœur de sa personnalité tourmentée.
Le psychologue John Gottman a identifié quatre comportements toxiques dans les relations : la critique, le mépris, la défensive et le mutisme. Les scénaristes peuvent s’inspirer de ces dynamiques pour créer des interactions réalistes et conflictuelles entre leurs personnages.
Mettre les personnages face à des dilemmes moraux
Confronter les personnages à des choix impossibles et des dilemmes moraux est un excellent moyen de révéler leur complexité. Comment réagissent-ils lorsqu’ils doivent choisir entre deux options également inacceptables ? Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour atteindre leurs objectifs ?
Ces situations extrêmes poussent les personnages dans leurs retranchements et les forcent à révéler leur véritable nature. Dans Breaking Bad, Walter White doit régulièrement faire des choix moralement discutables pour protéger son empire de la drogue, montrant sa descente progressive vers le côté obscur.
Le philosophe Philippa Foot a théorisé le célèbre « dilemme du tramway » qui illustre la difficulté des choix moraux. Les scénaristes peuvent s’inspirer de ce type de dilemmes éthiques pour mettre leurs personnages à l’épreuve :
- Sacrifier une personne pour en sauver plusieurs ?
- Mentir pour protéger un être cher ?
- Trahir ses principes pour atteindre un objectif noble ?
Montrer l’évolution des personnages au fil du temps
Les personnages complexes ne sont pas figés. Ils évoluent et se transforment au fil des épisodes et des saisons. Leurs expériences les façonnent et modifient progressivement leur vision du monde et leur comportement. Cette évolution doit cependant rester cohérente avec leur personnalité de base.
Dans Mad Men, on suit la transformation de Peggy Olson d’une secrétaire timide à une publicitaire accomplie sur plusieurs années. Son ambition et sa confiance en elle grandissent au fil des saisons, tout en conservant certains traits de caractère fondamentaux.
Le psychologue Erik Erikson a théorisé les différents stades du développement psychosocial tout au long de la vie. Les scénaristes peuvent s’inspirer de ce modèle pour structurer l’évolution de leurs personnages sur le long terme, en les faisant traverser différentes crises existentielles.
Utiliser le point de vue subjectif
Adopter le point de vue subjectif des personnages est un moyen efficace de révéler leur complexité intérieure. En montrant leurs pensées, leurs rêves ou leurs hallucinations, on donne accès à leur psyché et on enrichit considérablement leur personnalité.
Dans la série Mr. Robot, le protagoniste Elliot souffre de troubles mentaux. Une grande partie de l’intrigue se déroule dans sa tête, brouillant les frontières entre réalité et délire paranoïaque. Cela permet d’explorer de manière fascinante sa personnalité fragmentée.
Le cinéaste Ingmar Bergman disait à ce sujet :
« Le visage humain est le grand sujet du cinéma. Tout est là. »
En se concentrant sur l’intériorité des personnages plutôt que sur l’action pure, on peut créer des protagonistes d’une grande profondeur psychologique.
Créer des antagonistes nuancés
Les meilleurs antagonistes ne sont pas des méchants unidimensionnels. Ce sont des personnages complexes avec leurs propres motivations, aussi tordues soient-elles. En donnant aux « méchants » une backstory tragique ou des objectifs compréhensibles, on crée une ambiguïté morale fascinante.
Dans la série Ozark, le cartel de drogue dirigé par Omar Navarro n’est pas dépeint comme purement maléfique. On découvre ses motivations familiales et politiques qui nuancent son image de criminel impitoyable. Cela crée une tension morale intéressante avec les protagonistes.
Une étude de l’Université du Nebraska a montré que les spectateurs s’attachent davantage aux antagonistes lorsqu’ils comprennent leurs motivations, même s’ils désapprouvent leurs actes. Les scénaristes peuvent exploiter ce phénomène pour créer des « méchants » mémorables et nuancés.
Exploiter les archétypes psychologiques
Exploiter les archétypes psychologiques
Les archétypes psychologiques, théorisés par Carl Jung, offrent une base solide pour créer des personnages complexes. Ces modèles universels, tels que le héros, le mentor, l’ombre ou le fripon, peuvent être combinés et subvertis pour donner naissance à des protagonistes uniques et fascinants.
Dans la série The Witcher, Geralt de Riv incarne l’archétype du héros solitaire, mais avec une twist : il est perçu comme un monstre par la société qu’il protège. Cette contradiction entre son rôle héroïque et son statut de paria ajoute une profondeur intéressante à son personnage.
Le scénariste Christopher Vogler explique :
« Les archétypes sont comme les notes de musique d’une histoire. Un bon conteur joue avec ces notes, les combine de manière inattendue pour créer une mélodie unique. »
Utiliser le dialogue pour révéler la personnalité
Un dialogue bien écrit est un outil puissant pour révéler la complexité des personnages. Chaque protagoniste doit avoir sa propre voix, son vocabulaire et ses tics de langage qui reflètent son background et sa personnalité. Les non-dits, les sous-entendus et l’ironie peuvent en dire long sur l’état d’esprit d’un personnage.
Dans la série Succession, les joutes verbales acérées entre les membres de la famille Roy révèlent leurs insécurités, leurs ambitions et leurs relations dysfonctionnelles. Le dialogue devient une arme dans leur lutte pour le pouvoir.
Une étude de l’Université de Texas a montré que le choix des mots d’une personne peut révéler des aspects de sa personnalité et de son état émotionnel. Les scénaristes peuvent s’appuyer sur ces recherches en psycholinguistique pour créer des dialogues révélateurs.
Créer des arcs narratifs non linéaires
Les arcs narratifs non linéaires permettent d’explorer la complexité des personnages sous différents angles. En jouant avec la chronologie, on peut révéler progressivement des aspects cachés de leur personnalité ou montrer comment leurs actions passées influencent leur présent.
La série Westworld utilise brillamment les sauts temporels et les révélations tardives pour complexifier ses personnages. On découvre que certains protagonistes ont des identités multiples ou sont en réalité des versions plus jeunes d’autres personnages.
Le réalisateur Christopher Nolan, maître des récits non linéaires, explique :
« La narration non linéaire permet d’explorer la subjectivité de l’expérience humaine. Notre perception du temps et de nous-mêmes n’est pas linéaire. »
Intégrer des éléments symboliques et métaphoriques
L’utilisation de symboles et de métaphores peut ajouter une dimension supplémentaire à la complexité des personnages. Des objets récurrents, des motifs visuels ou des situations allégoriques peuvent représenter les luttes intérieures ou les thèmes associés à un protagoniste.
Dans Breaking Bad, la couleur des vêtements des personnages évolue subtilement au fil de la série, reflétant leur transformation morale. Walter White passe progressivement du beige terne au noir, symbolisant sa descente dans l’obscurité.
Une étude de l’Université de Cambridge a montré que l’utilisation de métaphores dans la narration active des zones du cerveau liées aux émotions et aux sensations physiques. Les scénaristes peuvent exploiter ce phénomène pour créer une connexion plus profonde entre les personnages et le public.
Exploiter les silences et les non-dits
La complexité d’un personnage ne se révèle pas uniquement à travers ses actions et ses paroles. Les silences, les regards et les gestes peuvent être tout aussi éloquents. Ce qui n’est pas dit ou montré explicitement laisse place à l’interprétation et ajoute de la profondeur aux protagonistes.
Dans la série The Leftovers, le personnage de Kevin Garvey lutte contre des problèmes de santé mentale qu’il tente de cacher. Ses silences pesants et son comportement erratique en disent long sur son état psychologique sans que tout soit explicité.
Le réalisateur Martin Scorsese affirme :
« Le silence est aussi important que le dialogue. C’est dans ces moments de calme que l’âme d’un personnage se révèle vraiment. »
Créer des personnages secondaires complexes
Les personnages secondaires ne doivent pas être négligés dans la quête de complexité. Même avec un temps d’écran limité, ils peuvent apporter une richesse considérable à l’univers de la série. Chaque personnage, même mineur, devrait avoir sa propre histoire et ses propres motivations.
Dans The Wire, même les dealers de rue et les policiers de second plan ont une personnalité distincte et une histoire qui leur est propre. Cette attention aux détails crée un monde crédible et immersif où chaque personnage semble avoir une vie en dehors de l’écran.
Une étude de l’Université de Ohio State a montré que les spectateurs s’attachent davantage à une série lorsqu’ils perçoivent son univers comme riche et cohérent. Des personnages secondaires bien développés contribuent grandement à cette impression de profondeur.
Utiliser les contrastes et les parallèles entre personnages
La mise en parallèle de différents personnages peut révéler leur complexité par contraste. En montrant comment différents protagonistes réagissent à des situations similaires, on met en lumière leurs différences de personnalité et de valeurs.
Dans Better Call Saul, les parcours parallèles de Jimmy McGill et de son frère Chuck illustrent deux approches opposées de la loi et de l’éthique. Leurs conflits révèlent la complexité morale de l’univers de la série.
Le scénariste Vince Gilligan explique :
« En créant des personnages qui sont des miroirs déformants les uns des autres, on peut explorer les nuances de la nature humaine. »
En utilisant ces techniques avancées, les scénaristes peuvent créer des personnages d’une grande richesse psychologique qui captiveront les spectateurs saison après saison. La clé réside dans l’attention aux détails, la cohérence psychologique et la volonté d’explorer les zones grises de la nature humaine.